TACOT 1

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Helmutt

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JULIETTE

 

 

          Pour une fois que je décidais de me reprendre en main, de m’octroyer une petite sortie, de m’aérer le bulbe, j’étais chouette, couché là avec plein de tuyaux qui me sortaient de partout, salle de réveil, odeurs d’hosto, draps blanc et bassin fracturé en mille morceaux.


          Dix années d’aide sociale avaient mis ma déchéance à hauteur de ma moquette crasseuse. J’avais emprunté la bagnole de mon voisin Helmut, qui comme son nom ne l’indique pas, était un authentique irish qui avait gardé un grossier accent d’irlandais qu’il entretenait pour la galerie. Il allait être furax. Son accent et sa tire immatriculée en France avec le volant à droite étaient les seuls résidus de son passé du côté gauche du méridien de Greenwich. J’étais parti me jeter dans la seule boîte de nuit que je connaissais de nom, qui, au dire de certains, était un lieu de drague pour filles faciles. Deux heures de route vers le nord. Il me fallait quitter mes montagnes et aller me jeter en ville. J’avais emporté un sac rempli de 8.6 (la bière extra forte) pour me donner un peu de courage et beaucoup d’allant. J’avais pris aussi une couvrante, des fois que la facilité serait au rendez-vous pour des plaisirs pratiques, genre une nana conciliante, pas regardante, accommodante, demandeuse, experte et tout le toutim qui dessine le portrait moyen de la fille plus que complaisante. Le rêve du clampin moyen qui veut se taper une pute sans avoir à en payer le tarif recommandé. Mais ça, c’est dans les rêves.


Arrête-moi là tout de suite ! qu’elle me lâche la donzelle. Comme je ne suis pas du genre à me laisser impressionner par une gisquette de comptoir, je me marre ouvertement, à pleine bouche. Que je referme aussitôt. La manchette qu’elle me colle en pleine tronche me fait sauter au moins deux dents sur le devant. Je file aussitôt un gros coup de patin en espérant coller sa face de tanche contre le pare-brise, mais la ceinture de sécurité la ramène dans le dossier et elle en profite pour essayer de m’en coller une autre que je bloque tant bien que mal en essayant de garder ma voiture dans un cap aléatoire.


Stop là ! ici ! ! !


          J’engage tant bien que mal en sortie de giratoire le tacot dans une large voie qui se perd dans les champs sans éclairages. Elle sort et se défile en courant. J’ai juste le temps de voir ses cuisses moulées dans un jeans bleu clair passer dans le halo des phares, et de regarder sa silhouette de fille super galbée courir vers l’autre côté de la deux-voies suivie par ses cheveux ondulant horizontalement derrière sa tête de fouine.


Juliette ! ! ! Mais tu vas où ? Revieeeennnns !... que j’essaie de m’époumoner. J’hésite un moment. Je cours après elle pour la rattraper ? Ou bien je la laisse filer et se démerder toute seule ? Elle avait trouvé le chemin trop long et le principe d’aller faire une virée à la campagne ne dépassait pas les champs qui entouraient sa ville de garnison. Mon paradis d’homme des montagnes était trop loin pour ses idées de sorties. Elle me plantait là pour aller courir de l’autre côté de la départementale, et se faire ramener par un autre zig à qui elle lèchera le bout pendant qu’il se fera un sourire dans le rétro en se remettant la mèche de côté. Je bois une bière vite fait pour le courage, je m’allume une roulée d’avance histoire de lui courir après plus à l’aise, fumant comme une locomotive qui fonce à grandes enjambées dans le désert nocturne de la deux-voies.


Le trou noir…


          C’est à partir de ce moment que je ne sais plus ce qu’il s’est passé. Une voiture ? Un camion ? Une moto ? Un truc m’est rentré dedans et m’a explosé le bide et les guibolles. Pas une trotinette quand même ?...


          Helmut va me tuer. Sa bagnole est restée là-bas, plantée en pleine campagne, sur un chemin crasseux, avec ma couverture restée à l’arrière, le sac de bières en dessous.

 

 

 

 

Et je ne sais même pas où…

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